Loft Story (Axel)

Le procès à venir occupait tout l'espace de ses pensées. L'affaire DE-1, une affaire aux lourds enjeux politiques - et qui disait enjeux politiques, disait enjeux pour sa carrière. Qui venait à peine de débuter, d'ailleurs. Si elle échouait, sa carrière serait tuée dans l'oeuf ! Elle se demandait toujours quel démon avait bien pu posséder Hunter au moment où il l'avait assignée à ce procès. Elle allait se ridiculiser.

La moitié des procureurs du Barreau la considérait déjà comme une blague, ce n'était qu'une question de temps avant que l'autre moitié se rende compte qu'elle était une incapable. Telles étaient les craintes qui tournaient dans l'esprit de Louise à l'idée du procès qui se rapprochait de jour en jour. L'anxiété devenait une forme de hantise à mesure que les jours avançaient, et elle multipliait les nuits blanches.

Elle soupira. Relire le même rapport pour la dixième fois n'améliorerait pas son humeur, et ne servirait à rien dans le cas présent. Il était à peine neuf heures du matin. Elle avait le temps de faire un peu de nettoyage, et de se reposer un peu... De profiter du semblant de temps libre qu'elle avait pendant le weekend. Récemment, ce temps libre avait été entièrement utilisé à deviser des stratégies contre la Défense. Elle enfila un pantalon et une chemise, puis entreprit de nettoyer un peu l'appartement, tristement négligé depuis quelques jours ; puis elle se dirigea vers la sortie, sac poubelle en main. Elle descendit en bas de la résidence, protégeant ses yeux légèrement gonflés de la lumière du jour, puis se dirigea vers le local à poubelles. Il n'y avait personne, à part un jeune homme grand et blond, lui aussi venu jeter ses ordures. Une expression incrédule se peignit sur le visage de Louise.

« Tu vis ici ? » demanda la Procureure d'un ton légèrement scandalisé, comme si elle se trouvait face à un cafard particulièrement repoussant.

Il y avait deux types de personnes que Louise avait du mal a tolérer : les anglais, et les avocats. Voir la combinaison des deux lui faire face avec cet éternel insupportable sourire était sans aucun doute annonciateur d'une mauvaise journée. Axel était toujours aussi... Lisse ? Artificiel ? Poli ? Les trois à la fois ? Peu importe.
Mais encore plus que toutes ces raisons, qui étaient dans le fond mesquines et sans importance, c'était le souvenir vivant et parlant de son humiliation précédente qui donnait envie à Louise de s'éloigner le plus loin possible de l'avocat anglais. Elle mettait du temps à digérer les défaites lorsqu'elles arrivaient - et elles arrivaient souvent, ces temps-ci.

- Parfaitement bien, et vous ? répondit-elle en s'efforçant de contrôler la crispation de sa mâchoire. Elle s'efforça de sourire poliment en retour à son interlocuteur tandis qu'elle jetait ses déchets dans la benne. La situation était ridicule ; à si peu de jours du procès, aucun d'entre eux n'avait envie de respirer le même air que l'autre. Cependant, s'il éprouvait une quelconque déception ou gêne à l'idée de la croiser ici, Axel n'en montrait rien.

- C'est bien ça. Depuis quelques mois. C'est étrange de ne pas vous avoir croisé plus tôt. Allez, maintenant, il fallait s'efforcer d'avoir une conversation polie. Être quelqu'un de civilisé, tout ça. J'habite au troisième, et vous ?